Elen síla lúmenn’ omentielvo

Trois heures du matin. Il est trois heures du matin et Roxane, âgée de deux jours, ne veut toujours pas dormir ! Dans son lit, dans les bras, contre Papa : elle pleure, pleure, pleure. Et Maman, qui a eu un accouchement difficile puis deux jours de visites à la chaîne, est épuisée et pleure, pleure, pleure.

Me serait-il possible de l’emmener à la nurserie, ne serait-ce qu’une heure ou deux ? Juste pour dormir quelques heures, jusqu’à la tétée suivante ? J’acquiesce avec le sourire. Au fond de moi, j’en suis persuadée : dans les bras de quelqu’un de calme et détaché, elle s’endormira avant même qu’on soit au bout du couloir…

… Autant pour toi, l’infirmière ! Une fois arrivée à la nurserie, je l’ai bercée dans son lit, dans les bras, sur le dos, en « petite panthère » ; j’ai essayé un par un tous les « trucs » que je connais mais Roxane pleure, pleure, pleure. J’ai chanté deux fois tout mon répertoire de comptines et berceuses !

Seule dans mon délire

Alors en désespoir de cause, presque machinalement, j’entonne ce que j’écoutais dans la voiture en arrivant : la bande originale d’un célèbre film avec des elfes. Miracle ! Aux accents de la langue inventée par Tolkien, le bébé s’apaise… mais recommence à pleurer de plus belle, dès que j’ai le malheur d’arrêter !

À la tétée suivante, c’est ainsi que le papa venu récupérer sa petite fille me trouvera : en train de fredonner en boucle mornië utúlië. Il y aura un blanc, le temps que le rouge me monte aux joues d’être surprise en cette situation fâcheuse… Puis une question du papa : « Excusez-moi, mais… vous bercez ma fille en langue Quenya ? » Ouf ! Un fan ! Je me sens moins seule dans mon délire… « Si sa mère vous entendait, elle vous tuerait. Mais je suis trop fier de ma fille, elle sait déjà ce qui est beau ! »